Je fais mes débuts au sein de l’Hôpital Public. Nous sommes en Province, petite ville, les places à l’hôpital ne sont pas pour tous, réussir à avoir son poste est flatteur. Comme il me le sera assené « Il y a du monde à la porte, on veut la « bonne » infirmière ».
Aujourd’hui, 25 ans plus tard, ces paroles sont plus que vivaces dans mon esprit, et la question se pose : c’est quoi une « bonne infirmière » ?
Je découvre une hiérarchie imposante, oppressante, rarement bienveillante, voire maltraitante. On parle pourtant dans ces années-là, 1994, de l’humanisation des hôpitaux, cela devait faire plus référence aux patients qu’au personnel…
Alors que je débute ma nouvelle vie professionnelle, je me retrouve dans un service de médecine digestive où l’on enchaîne les soins techniques, des patients lourds qui peuvent décompenser à tout moment, je suis vigilante à tous mes gestes. Je sais, je sens la cadre derrière moi, à surveiller tout ce que je fais. Et c’est grâce à ce sentiment que je me protège, je redouble d’attention avec cette volonté que la cadre n’aura rien à se mettre sous la dent, je ne commettrai pas l’erreur qu’elle attend.
Malgré tous mes efforts, après 3 mois de diplôme, je me retrouve licenciée pour : « insuffisance professionnelle ».
Insuffisance professionnelle, cela voulait dire quoi ? J’ai cru tout d’abord que j’avais pu tuer un patient, mon esprit m’a vite dit que si tel était le cas, on m’aurait arrêtée plus vite que le temps mis par un courrier en recommandé avec accusé de réception.
Je reçois cette lettre ce matin-là et je dois travailler l’après-midi et encore quelques jours avant l’entretien proposé par la DRH et la fin de mon contrat. Je me dis que là j’en saurais plus. Mais non, la cadre est en vacances et l’équipe ne me dit rien.
Au moment du café qui réunit l’équipe du matin et de l’après-midi, je vais jeter un froid glacial, j’annonce la nouvelle en réponse à une question qui m’était posée : – « je suis licenciée pour insuffisance professionnelle ».
Silence, personne ne prononcera un mot, aucun soutien.
Seule une jeune infirmière, nouvelle dans l’équipe m’a dit : « Stéphanie, ce n’est pas normal, va au syndicat ». Cette personne, que je remercie encore aujourd’hui, ne voudra cependant pas témoigner afin de se protéger.
Abus de pouvoir, l’émotion, le subjectif prennent le pas sur l’accompagnement d’une jeune diplômée, sur la communication, la pédagogie.
Au nom d’une qualité des soins irréprochable, on nomme des surveillants, et des surveillants de surveillants, qu’on appellera cadre et cadre supérieur, je pourrai même observer des cadres transverses !!
Tous sont formés dans le même moule : « Esprit hôpital public », on ne sort pas du carcan du ministère. On forme des personnes pour faire appliquer les directives données par la direction.
Réintégrée après un entretien, assistée d’un syndicat et de ma directrice d’école d’infirmière, qui prononcera ces mots :
Vous ne vous rendez pas compte du préjudice moral que vous portez à cette jeune diplômée. Techniquement, il n’y a rien à lui reprocher, c’est bien la première chose que l’on demande à un jeune diplômé.
Je resterai malgré tout dans le viseur.
Après plus d’un an et demi de contrats précaires (CDD de 3 mois), me sentant toujours sur la sellette, je pars de moi-même. J’ai 22 ans et j’aime la vie.
Stéphanie
Si vous n’avez pas encore lu la première partie, c’est ici => Comment l’hôpital m’a tuée ou la désillusion d’une infirmière_épisode 1, 1ère partie
Vous souhaitez soutenir les soignants suspendus ?
Contactez ses organismes :
=>Syndicat Liberté Santé : https://www.syndicat-liberte-sante.com/
=>Reinfo Covid : https://reinfocovid.fr/
=>Covisions : https://covisoins.fr/
#ReintegrerLesSoignants
Insuffisance professionnelle ! Mais vous étiez jeune diplomée !
On sait tous que ce métier s apprend à la sortie de l école.
Comme IADE…c est pareil !
Bravo pour votre courage et d avoir resisté .Pour moi 2 doses que j ai eu du mal à faire et qui m ont ouvert les yeux sur les collègues complètement soummis … et départ en retraite iade.
Celle ci étant calculée sur les 6 derniers mois je n ai pas voulu me retrouver avec une retraite de misère après 39 ans d hopital public je suis partie à 66 % de mon salaire..
Bon courage à vous votre combat et regardez les propositions d emploi sans vaccin sur le site AH.. de Thonon les bains soutenu par Mme la deputée Wonner.
J ai le même ressenti que vous sur l hopital public.
A bientot pour la suite.
Merci, merci de votre commentaire. Que les personnes qui ne sont pas du milieu voient que je ne romance pas, que je n’exagère pas!!
Peut etre n ai je pas assez détaillé, pour mieux comprendre. N’hésitez pas à vous exprimer.
Ce récit me parle. pour ma part j’avais choisi le domicile pour être au plus prêt des patients et le plus loin d’une hierarchie pesante, mais au fil des années les obligations les surveillances de structures nouvelles crées pour la rentabilité et pas pour l’humanisation du soin se sont invitées. J’ai arrêté mon activité en septembre 2021 avec la perspective de ma retraite en janvier 2022. Je vois tellement de soignants qui ne se retrouvent plus dans ce système de soins et qui sont en souffrance même chez des jeunes, que faire ???
Merci Sylvie de ta réponse qui aborde le sujet des ordres, ARS et autres organismes, présents pour surveiller. Que faire?
Il y a à faire, à faire différent, à se regrouper et créer quelque chose qui remette le patient au coeur du soin et que le soignant puisse mettre son coeur dans ce soin. Développer une façon de voir la santé, le soin différemment, ca fera certainement l’objet d’un épisode!